Paru dans : Metro, août 2018
Quand on a vu sa prestation dans ‘Dogman’ sur l’écran du Festival de Cannes, on s’est directement dit que le prix d’interprétation allait être pour lui. Et il fallait le voir quelques jours plus tard, quand il est monté sur scène le chercher : il osait à peine le toucher ! Après des années à faire le figurant, Marcello Fonte est entré dans la cour des grands. Un mois plus tard, il était à Bruxelles pour présenter le film au BRIFF . On a saisi l’occasion pour rencontrer cet homme; aussi gentil dans le film… que dans la vraie vie.
C’est votre premier grand rôle au cinéma, avant ça vous avez fait beaucoup de figuration. Comme dans ‘Gangs of New York’ de Martin Scorsese…
Oui. En 2001, j’étais je travaillais comme décorateur de cinéma à Rome. Un type a pris mon numéro, et quelques jours après il m’a appelé : ils cherchaient des figurants pour un film. Et voilà comment j’ai pris le métro un matin jusqu’aux studios de Cinecittà, et je me suis retrouvé dans un faux New York, habillé comme dans les années 1800 ! Il y avait un monde incroyable, ils avaient tout reconstruit, le port, les bateaux… Je savais que c’était un gros film, mais je faisais souvent le figurant, donc je n’avais pas trop fait attention. J’avais entendu ‘Scozzese’ (NB – ça veut dire ‘écossais’ en Italien) donc j’avais dit à mon frère que c’était un réalisateur venu d’Ecosse. Quand il a compris que c’était Martin Scorsese, il voulait me frapper (rires) ! Mais avant ça je ne le connaissais pas ! Quand j’étais petit, le cinéma, pour notre famille, c’était un luxe. C’est par la télé que j’ai découvert les films. C’est comme ça que j’ai vu ‘Titanic’. Et quelques années plus tard, je me suis retrouvé sur le même plateau que DiCaprio !
Vous avez même fait une photo avec DiCaprio il paraît !
C’est le seul que je connaissais ! J’avais sur moi mon petit appareil photo, que je gardais toujours caché dans mon slip parce que c’est interdit de photographier sur un tournage (rires). Mais c’était impossible pour moi de travailler là et de ne pas prendre un petit souvenir ! Donc je tends mon appareil à un gars pour qu’il nous prenne en photo. Direct après, un figurant vient me voir : « Qu’est-ce que tu fous ? T’as demandé à Daniel Day-Lewis de te prendre en photo ? » Je ne savais pas que c’était lui (rires) !
Comment vous vous êtes retrouvé à jouer le premier rôle dans ‘Dogman’ de Matteo Garrone (‘Gomorra’) ?
Je travaillais comme bénévole dans un centre social à Rome, et un jour on a prêté l’espace pour un spectacle à une troupe composée d’anciens détenus. En dernière minute l’un d’eux a eu un accident et il est mort, donc j’ai rejoint la troupe pour le remplacer lors du spectacle. L’assistant de Garrone est venu voir ce spectacle, car ils cherchaient des nouveaux visages, des acteurs inconnus. C’est un peu comme la cueillette des champignons : pour trouver les bons, tu dois aller au bon endroit, pas prendre les champignons à côté du plastique ! Donc Matteo a envoyé son assistant… et il a trouvé ce champignon-ci !
Comment vous avez préparé le rôle de Marcello, le héros toiletteur pour chiens ?
J’ai travaillé avec Marco, un toiletteur qui m’a montré comment il les lave, les coiffe… j’ai aussi été voir Massimo Perla, un célèbre dresseur canin pour le cinéma : Rex chien flic, c’est lui ! Et puis j’ai aussi dû apprendre la plongée sous-marine, une chose que je n’avais jamais pensé faire ! J’ai appris à jouer sous l’eau : sans paroles, tout est différent ! Tu dois faire des mouvements spécifiques, respirer différemment… sans attraper une embolie pulmonaire (rires). Donc note bien, Marco, le toiletteur, Gregorio l’instructeur de plongée, et Massimo, le dresseur : c’est grâce à eux que j’ai appris tout ça !
Matteo Garrone a dit que la relation entre Marcello et Simoncino dans le film est une métaphore de l’Italie contemporaine. Qu’en pensez-vous ?
C’est un rapport basé sur la peur. Simoncino, il se projette sur les 5 prochaines minutes. Je veux ceci, boum, je fais ça. Il n’a aucun sens du long terme, contrairement à Marcello. Dans ce monde hostile, Marcello est comme une figure christique, qui prend sur lui les péchés de tous…
Vous connaissiez les films de Matteo Garrone avant de tourner avec lui ?
Oui, j’avais vu ‘Gomorra’ au cinéma. Et avant le début du tournage, il m’a offert tous ses films, et je les ai tous regardés le même soir.
Et votre préféré, c’est lequel ?
Mon préféré, c’est ‘Dogman’ (rires).
DOGMAN
Petit et teigneux, grand et affectueux : quel que soit votre type de chien, ‘Dogman’ est là pour lui faire une beauté. ‘Dogman’ c’est le titre du nouveau film de Matteo Garrone (‘Gomorra’), et c’est aussi le nom du magasin de toilettage canin que tient Marcello (Marcello Fonte). Marcello vit dans une banlieue poussiéreuse du Sud de l’Italie – le genre de coin où tout le monde se connaît. Quand il ne s’occupe pas des toutous, il fait de la plongée avec sa fille. Marcello, c’est un gentil, un vrai. Trop gentil, même. Alors quand Simoncino, le sale gosse du quartier, sort de prison, Marcello se laisse entraîner dans ses sales embrouilles au nom de leur ancienne amitié. Jusqu’au jour où Simoncino va trop loin… On retrouve l’atmosphère lourde et les ‘gueules’ haut en couleurs de ‘Gomorra’, mais c’est une histoire de David contre Goliath que Garrone développe ici. Une histoire un peu prévisible, et ce n’est d’ailleurs pas tant le scénario qui nous convainc dans ce film, mais surtout la performance bouleversante de Marcello Fonte. Quelque part entre Buster Keaton et Roberto Benigni, le charisme de cet acteur italien jusqu’ici inconnu, élève le film, et lui apporte sa touche de sensibilité.
Elli Mastorou 