Quand son père disparaît, Ana n’est même pas née : elle est encore au chaud dans le ventre de sa mère. Elle passera son enfance à imaginer cet homme barbu, au regard sévère, qui écrivait des cartes postales pleines de mots d’amour à sa mère, et qui œuvrait en secret contre la dictature militaire. Il le payera très cher. Comme lui, des dizaines de milliers de personnes au Guatemala seront assassiné.e.s par le régime inhumain de Ríos Montt. Trente ans plus tard, armée de sa caméra, Ana part sur les traces de son père Emil Bustamante, cherchant à comprendre ce qui lui est arrivé. Sa voix grave nous accompagne sur ce chemin compliqué, fait de photos de famille, d’images d’archives et de secrets du passé. Un passé méconnu, d’elle comme de nous, et qu’elle confronte au présent, transcendant l’intime, l’histoire et le temps. Comme pour conjurer la gravité du fond, elle s’amuse sur la forme, inverse les images, passe la musique à l’envers ou coupe le son. Elle reste sobre, mais ne s’interdit aucune émotion. Une émotion qui traverse l’écran pour nous atteindre aussi. C’est sans doute pour toutes ces raisons qu’à la fin de la délibé, sur nos bouts de papier griffonnés, c’était trois fois le même nom en tout premier. Si le cinéma est une main tendue, j’imagine que c’est pour l’attraper le plus possible que je fais ce métier.
21ème Bafici – Buenos Aires Festival Internacional de Cinema Independiente
Prix Fipresci (International Federation of Film Critics) : LA ASFIXIA de Ana Bustamante, Guatemala
Jury : Dana Linssen (NL), Diego Trerotola (AR), Elli Mastorou (BE)
