Et puis un matin, on est partis.
On aura dĂ©ambulĂ© dans ses boulevards Ă©tendus Ă perte de vue, on se sera perdus puis retrouvĂ©s de l’avenida CĂłrdoba Ă Santa Fe. On l’aura parcourue en bus, en vĂ©lo ou en train, et on aura fini par s’orienter dans le quadrillage de cette ville bigarrĂ©e. On aura dansĂ© dans les ruelles de San Telmo les soirs d’Ă©tĂ©, ou dans les bars de Palermo pour oublier le froid. On aura mangĂ© de la pizza Ă Chacarita, on se sera trompĂ©s d’arrĂȘt de mĂ©tro et prĂ©lassĂ©s dans les parcs Centenario ou Las Heras, on sera passĂ©s Ă Camping pour un concert et au Matienzo pour une confĂ©rence sur le porno. On aura comptĂ© en pesos et cochĂ© les cases touristiques, de l’Ateneo Ă la Bomba del Tiempo jusqu’au Caminito. On aura chantĂ© du Carlos Gardel, et cherchĂ© en vain un kiosco actif pour une recharge de tĂ©lĂ©phone (‘no hay sistema’). On se sera faufilĂ©s dans la fourmiliĂšre de Once et ses vendeurs ambulants, on aura mangĂ© « al peso » chez les Chinois et « a punto » Ă la parrilla. On aura vĂ©cu Ă San CristĂłbal et Balvanera. On aura abusĂ© de Glovo et Pedidos Ya. On aura appris Ă ponctuer nos phrases de ‘boludo’ et de ‘che’, et Ă arriver aux rendez-vous 2 heures aprĂšs celle annoncĂ©e. On aura goĂ»tĂ© le dulce de membrillo et de leche, le matĂ© avec ou sans sucre, et les medialunas qui collent aux doigts. On aura brandi nos foulards verts devant le SĂ©nat en solidaritĂ© pour que les Argentines puissent avorter en toute lĂ©galitĂ©, et on aura fait le tour de la Place de Mai avec les Madres, comme elles font depuis 42 ans. On aura lu ‘Macri gato’ partout et compris pourquoi. On aura Ă©tĂ© voir des films au Gaumont lors du Bafici. On aura ri lors des ‘previas’ entre amis, on se sera engueulĂ©s avec des chauffeurs de taxi. On aura pleurĂ© aussi. On aura rĂ©ussi Ă prendre cette photo que je voulais, au mĂȘme endroit oĂč ma mĂšre se tenait en 1983. On se sera mĂȘme ennuyĂ©s, dans cette ville qu’on a fini par apprivoiser. Ă tel point qu’il me semble incroyable, aujourd’hui oĂč j’en pars, que c’est la mĂȘme ville qui me fascinait toutes ces annĂ©es. Le rĂȘve est devenu un lieu familier. Buenos Aires, tu nous auras traversĂ©s, toi aussi.
Gracias por los recuerdos. Y el amor, ahre.

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