Cartagena, ton petit cul lavé poudré et parfumé remue avec grâce dans les rues colorées. Bleue rose blanche, jaune turquoise ou fuschia, indolente et imprenable, tu brilles de mille feux sous la chaleur de plomb. Constructions cossues et coloniales, restos aux noms chic et hôtels climatisés, jus de citron vert et odeurs de poisson grillé. Entre tes remparts fièrement dressés face à la mer tiède, on croise des jupons en soie, des ongles vernis et des calèches en bois, on entend le galop des chevaux et les klaxons incessants des autos, et les propositions ambulantes se disputent l’attention des voyageurs dans une danse incessante. Taxi ou tresses, massage ou cigares, bijoux ou chapeaux, désirs et désordre, jet set et peaux tannées.
Carthagène, petite forteresse bien maquillée, belle comme une pub pour du parfum, propre comme un village Disney, où j’ose à peine allumer une clope de peur qu’on vienne me dire qu’on n’a pas le droit, luxueuse et lisse tant qu’on reste dans tes murs, séduisante et crispante à la fois. Je te laisse mes derniers moments sur le continent, faits d’ivresse et de sel, d’eau turquoise et de quelques pièces de monnaie que je ne changerai pas. Je te laisse mes écouteurs oubliés, des fruits et les briquets que l’aéroport m’a confisqués. Je laisse aussi un peu de mon amour derrière, je te laisse un être humain souriant et plein de lumière, prends bien soin de lui tant qu’il est là, mais rends-lui la route facile pour quand il rentrera.