Première parution : L’Avenir, 26 septembre 2019
La première a créé l’événement sur Netflix, la seconde vient de chez nous et s’est fait remarquer en festivals. Voici deux créations très différentes à découvrir, sur un sujet crucial.
Marie dormait quand c’est arrivé. Elle a ouvert les yeux, et il était sur elle. Mais quand elle en parle elle a l’air ailleurs, alors les inspecteurs ont un doute. Ada dînait chez un ami. Elle ne s’est pas défendue, alors son entourage ne comprend pas. La première histoire vraie est tirée de Unbelievable, la série-événement de la rentrée sur Netflix. La deuxième vient du documentaire belge Sans Frapper. Tous deux nous posent la même question : c’est quoi une ‘bonne’ victime de viol ?
« La plupart des femmes dissocient pendant leur viol, donc quand elles racontent il n’y a aucune émotion. Alors que ce qu’on attend d’une bonne victime, c’est qu’elle pleure… » explique Alexe Poukine, la réalisatrice de ‘Sans Frapper’. Son film est né de la rencontre avec Ada. Transformée en texte, l’histoire d’Ada est racontée par des personnes face caméra. Certaines confient être irritées par l’affaire. « On se demande pourquoi elle y retourne, mais jamais pourquoi lui la viole. C’est toujours à la victime de se remettre en question. » Mais à force, l’empathie surgit. Et on comprend peu à peu que, de près ou de loin, c’est un sujet qui les concerne.
Un mec lambda
Un des points forts de ‘Sans Frapper’ c’est qu’il inclut aussi des récits de l’autre côté. « J’étais jeune et con » « J’étais défoncé » : personne n’a envie de se dire violeur, c’est un mot trop fort, un mot-choc, associé à un inconnu dans une ruelle. La réalité est beaucoup plus banale. « Quand j’ai vu le violeur d’Ada, je me suis dit, c’est la banalité du mal. » poursuit Poukine. « Il ressemblait à un mec lambda. On a toujours l’impression que ça va être une espèce de pervers » … Alors que dans 8 cas sur 10, les victimes connaissent leur violeur. Il suffit de voir l’émoi né cet été sur Twitter par l’hashtag #jeleconnaissais : des centaines de voix se sont élevées pour raconter leurs histoires ‘banales’. Des voix qui s’ajoutent à celles de Marie, d’Ada. Ou d’Aurore, Tiphaine ou Sophie, qui se livrent devant la caméra. « Je voulais brouiller les pistes entre l’histoire de Ada et les leurs. Il fallait qu’à un moment donné on se dise : en fait peu importe qui la raconte : c’est histoire de tous-tes. »
Sans frapper, documentaire d’Alexe Poukine. Durée : 1h22.
Unbelievable, série Netflix. Durée : 8 épisodes de 50 minutes.