Au départ quand j’ai appris la nouvelle, j’étais quasi vexée : toute mon enfance j’avais réclamé un animal de compagnie. Et c’est pile quand je quitte la Grèce à 18 ans pour étudier en Belgique que ma mère adopte un chien, abusé non? Mais c’était aussi la première fois qu’on allait vivre loin l’un de l’autre mon frère et moi, lui avec maman, moi avec papa. Qui allait s’occuper de lui après l’école et lui piquer ses jouets ? C’est comme ça qu’en 2004 Lola est arrivée. J’ai vite oublié ma vexation devant ce bébé à poils blancs, regard vif, museau curieux, caractère bien trempé. Les premiers mois, elle grignotait tout ce qui traînait – plusieurs de mes chaussettes et écouteurs de discman ont ainsi tragiquement péri. Je me souviens quand mon frère a paniqué après l’avoir perdue dans un parc. Je me souviens qu’on lui a appris assis debout couché – elle savait même donner la patte quand tu lui demandais, et quand tu lui posais une question elle penchait la tête sur le côté. Qui c’est le petit chien qui va manger ? Qui c’est le petit chien qui va sortir ? On a appris à éviter de prononcer le mot ‘βόλτα’ (‘promener’) parce qu’elle se dressait immédiatement devant la porte en l’entendant. Une fois, elle aboyait tellement fort après les chats à travers les barreaux du balcon en bois, que celui-ci a lâché : heureusement ma mère l’a attrapée par la patte avant qu’elle ne touche le sol. Après elle venait se blottir contre nous, encore sous le choc. Lola chérie, reine de toutes les fêtes, nageuse parfaite, toutou à sa maman qui chouinait dès que ma mère disparaissait, baroudeuse des bateaux, voyageuse aguerrie. Elle nous a fait la tronche longtemps quand on lui a mis un autre chien dans les pattes. Longtemps, Pàris n’osait pas terminer sa pâtée tant que le regard de Lola pesait sur lui. Elle a fini par se résigner et le tolérer, et ces dernières années elle laissait même les chatons, dernières adoptions de la maison, traîner à ses côtés. Trop lasse, trop blasée, trop fatiguée pour protester. Lola chérie, première chienne de la famille, vieille râleuse adorée. Tu vas me manquer mais après 17 ans, tu avais besoin de te reposer. Lola chérie, tu as eu une belle et longue vie.