(archives) “Le problème avec les gens comme nous, c’est que, ici ou là-bas, y a toujours quelqu’un qui nous manque” Nelly

Les gens comme nous, c’est les gens qui ont le cul entre deux chaises de nationalité différentes. Un pied dans la Méditerranée, un pied sur le plat pays, et un troisième imaginaire à un trajet de Thalys. Maudire les uns et louer les autres, et vice versa de façon régulière. Dire “nous” et se reprendre. Ne pas avoir envie de prendre l’avion dans un sens au début comme dans l’autre à la fin. Parler de la pluie et du beau temps au sens littéral, et comparer avec les autres en permanence. Ma mère qui m’appelle de son île pour me raconter sa journée à la plage pendant que je fixe le ciel gris et attends la drache. Les athéniens conduisent comme des psychopathes. Les bruxellois conduisent avec deux de tension. Sourire intérieurement quand on entend parler Grec dans la rue, au moins une fois par semaine – deux ou douze depuis la crise. Parler l’autre langue pour ne pas être compris, sans se tromper de langue. Commencer une phrase en Grec pour la finir en Français en intégrant des verbes grecs conjugués dans la langue de Molière. Arriver au bled et trébucher sur les mots pendant les trois premiers jours. Essayer d’être aussi gouailleuse et spontanée dans les deux langues (échouer). Devoir expliquer que oui, c’est comme ça, ça fait partie de qui on est, qu’on va prendre l’avion cette semaine et pas celle d’après parce que celle d’après Jésus aura déjà ressuscité et ma grand-mère qui allume des cierges pour que je réussisse mes examens n’appréciera pas. Un point c’est tout. Oublier presque systématiquement les clés de l’autre maison. Lire des livres en Grec, pour ne rien perdre, pour entretenir.

Etre perpétuellement si loin et si près de chez soi. Et être condamnée pour l’instant à combler le vide, parce que c’est pas le moment de venir grossir les rangs des demandeurs d’emploi de la République Hellénique. Se retenir de faire une vanne à la NTM à la fin de tous les mots en ique. Faire des phrases à l’infinitif, pour donner l’impression d’avoir écrit un texte, alors que non.

(2011)

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.