(archives) Avance, connasse (pensées éparses d’aéroport)

Corrélée avec le manque de sommeil et les départs à l’aube, ma misanthropie atteint ses sommets dans les aéroports. Je me laisse porter, les yeux ouverts sur rien, mais je maugrée dans mon cerveau mal réveillé. Les gamins bruyants sont partout, les vieux neurasthéniques traînent leurs savates sur l’escalator du mauvais côté, se procurer deux pauvres croissants secs et une bouteille d’eau équivaut à déverser le PIB de la Somalie, plutôt crever de déshydratation. Les foulards en guise de coussin ça ne vaut rien, les douleurs de la nuque qui ne porte plus ma tête endormie me réveillent par soubresauts. La nana à côté de moi se sent obligée de commenter à haute voix à son mec tout ce qui lui passe par la tête : rien que pour ton polo rose bonbon, je te juge. J’ai froid. Les roues de l’appareil ont à peine touché le sol que déjà les abrutis du téléphone mobile nous signalent qu’ils ont craqué, des bip bip se font entendre un peu partout, si vous pouviez vous le mettre au cul votre smartphone, je vous en serais grandement reconnaissante. Tout ça pour meugler que ça y est, on est vivant, on a encore une fois survécu à l’épreuve de l’avion, non on est pas encore sortis là, on va prendre les valises, tu m’entends ? Moi je t’entends. Deux cent corps bondissent comme un seul homme de leur ceinture de sécurité pour se ruer sur les soutes à bagages comme si leur vie en dépendait, comme si sortir les premiers de l’avion était une quelconque forme d’exploit, ou alors pour s’extirper le plus vite possible de cet engin métallique, sentir la terre ferme, humer l’air conditionné, arriver le plus rapidement possible devant le tapis roulant pour attendre en premier sa valise. J’espère qu’elle arrivera en dernier, ta valise, mec. L’aéroport d’Athènes, c’est encore quelques boites en verre dans lesquelles même les agents de sécurité s’enferment pour tirer sur la première clope en territoire hellénique. Ma valise a la poignée coriace, mes phalanges s’écorchent. Il m’a dit de ne pas l’attendre alors je la tire vers l’avant même si elle bascule, même si elle bouscule les retrouvailles des gens autour. Vous m’êtes antipathiques mais ce n’est pas votre faute. Mes bras sont vides.

(2011)

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