‘Le Capital’, le nouveau film de Costa-Gavras : «Je crois beaucoup à la résistance»

Première publication : L’Avenir, 21 novembre 2012.

 

Ce n’est pas à un réalisateur grec qu’on va apprendre que c’est la crise. Peut-être un peu tard, mais avec beaucoup d’entregent, Costa-Gavras s’attaque au monde de la finance.

Dans le cadre luxueux de cet hôtel bruxellois, on s’attendrait presque à apercevoir les actionnaires de Phénix, la banque fictive du Capital, savourer du caviar entre deux transactions. Mais la réalité dépasse parfois la fiction, et c’est le réalisateur qui entre dans la pièce.

À bientôt 80 ans, Constantinos Gavras, costume gris et accent chantant, est loin d’être aussi cynique que les personnages de son dernier film. Si Le Capital est une plongée au cœur d’un système cupide, il ne se veut pas une charge contre le monde de la finance : «Ce qui m’a intéressé, c’est comment l’homme vire, dans une société qui vit normalement, vers une éthique de plus en plus éradiquée. »

Du mont Parnasse à Montparnasse

En explorant la part d’ombre du capitalisme sauvage actuel, c’est la nature humaine que le cinéaste questionne, et l’éthique qui vient à manquer au fur et à mesure que le capital augmente : «Cette rapacité qui s’est créée ces dernières années, pour avoir de plus en plus de biens plutôt que de penser à la qualité de la vie

Malgré des films engagés sur des sujets brûlants du monde actuel, Costa-Gavras se défend de faire un cinéma qui dénonce. Né dans un village près du mont Parnasse quelques années avant l’Occupation, il se range dans le camp des résistants plutôt que celui des délateurs : « Je raconte des histoires de la passion des hommes et des femmes de notre monde. Comme dans le théâtre classique, car c’est là où j’ai appris. Ce n’est pas dénoncer, c’est montrer – sans montrer du doigt – ma vision personnelle. Après le spectateur a la liberté de décider, s’il pense qu’il faut dénoncer telle ou telle chose

C’est pour montrer ces histoires que le jeune homme quitte à 18 ans la Grèce pour Paris. Diplômé en cinéma, il sera l’assistant de René Clément ou encore Jacques Demy avant de signer son premier long. Compartiment Tueurs réunit en 1965 Simone Signoret, Yves Montand et Jean-Louis Trintignant. Il retrouvera ces deux derniers dans Z (1969), un des films les plus marquants de sa carrière, primé aux Oscars et aux Golden Globes.

« Aujourd’hui on ne fusille pas, on renvoie »

Depuis, ses films ont connu un succès inégal mais ont toujours fait parler d’eux. Thriller politique (État de Siège), drame sentimental (Clair de Femme) ou comédie (Conseil de Famille), Costa-Gavras tourne avec la même passion, mais pas toujours les mêmes moyens. Pour Le Capital, toute l’équipe a fait des économies : « Je n’ai pas fait le film dans le confort habituel, parce qu’on voulait que l’argent soit sur l’écran.»

Venu présenter le film en avant-première à Bruxelles dimanche soir, le cinéaste qui a fui la dictature des colonels dans la Grèce des années 60 admet que, si aujourd’hui l’Europe vit dans la liberté de la démocratie, elle souffre néanmoins d’une forme de dictature économique : « On ne peut pas faire de parallèle direct, car la finance évolue dans la légalité. Sous la dictature, on fusillait. Aujourd’hui, on renvoie. Mais Il y a la liberté de montrer le réel, c’est la seule façon de réagir contre le problème

Tant qu’il y a des films, il y a de l’espoir. Et pas seulement les siens : ses enfants Julie et Romain font tous deux du cinéma, même s’il aurait préféré «qu’ils fassent un vrai métier». Il admet d’ailleurs en souriant que pour lui c’est plus une passion qu’un boulot. Une façon d’être libre, aussi : «Le Capitalest un film de guerre, parce que la troisième guerre mondiale, elle est économique, et elle a commencé depuis longtemps.» Caméra au poing, la lutte continue.

crédit photo : Unifrance

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