Stéphane Guillon : oraison funèbre pour un être normal [interview]

Première publication : L’Avenir – 29 janvier 2014.

Dans ‘Les Âmes de Papier’, le dernier film de Vincent Lannoo, le chroniqueur acerbe se glisse dans la peau d’un écrivain gentiment morose. Un rôle finalement moins à contre-emploi qu’on pourrait le croire, car derrière ses mots acérés, Stéphane Guillon est un grand nostalgique. Si, si.

Stéphane Guillon, votre rôle dans « Les Âmes de Papier » semble à première vue assez éloigné de votre caractère…

En fait, pas tant que ça. J’ai des similitudes avec Paul: sa nostalgie, son regard un peu désabusé sur les choses…

Vous êtes nostalgique ?

Oui, très. Mais vous savez, on confond souvent personnage public et personne. À la radio, à la télé, je joue un rôle, on me demande de provoquer donc je provoque. Mais dans la vie, je suis tout à fait normal – et heureusement, parce que ce serait insupportable pour moi et les autres.

Ça veut dire quoi, normal ?

Disons qu’il m’est arrivé de tenir la porte à une vieille ou de donner ma place dans le métro, et qu’on me dise qu’on n’attendait pas ça de moi ! Mais ce n’est pas parce qu’on joue des salauds au cinéma qu’on est aussi un salaud dans la vie ! Je pense même que c’est le contraire : quand vous avez une telle image, vous vous devez à énormément de politesse et d’éducation dans la vie. Parce si je pique un scandale dans un restaurant, on va dire « Ah oui, c’est cette tête de con de Guillon, tu vois il est raccord. »

Donc vous faites un effort supplémentaire dans la vie pour être plus sympa ?

J’ai quand même été assez bien éduqué pour ne pas avoir à faire d’efforts. Après, il y a eu des fois où j’aurais pu m’énerver, et je me suis dit : « Ça va prendre des proportions parce que c’est toi ». Donc, je me suis tu.

Comment s’est passée la rencontre avec Pierre Richard ?

Super. Parfois on est déçu quand on rencontre les gens en vrai, mais ça n’a pas été le cas, on s’est tout de suite extrêmement bien entendus, au niveau du jeu comme dans la vie. Hier soir on a été au théâtre ensemble à Paris, par exemple, voir Depardieu dans Love Letters, il était formidable.

Qui vous feriez revenir d’entre les morts, si vous pouviez ?

Mon grand-père maternel. Il est mort dans les années 90.

Juste avant que vous démarriez ?

Oui.

Pour qu’il voie ?

Non, pas pour qu’il voie. Parce que… Ou peut-être, pour qu’il voie. Si je suis vraiment honnête. Ouais.

Et qui vous enverriez au casse-pipe ?

Je ne peux pas souhaiter la mort, c’est trop violent. Mais je réduirais certaines personnes au silence, parce qu’ils sont insupportables. Si je pouvais réduire Dieudonné au silence, je le ferais. Mais je dis ça, et en même temps si je pouvais envoyer Bachar Al-Assad, Kim Jong Machin, Ahmadinedjad ou Poutine au casse-pipe, je n’hésiterais pas. Ces gens-là ont été tellement loin… Ce sont des monstres, des dingues, comme Hitler, Himmler… et ceux-là, oui, je les envoie volontiers. Quand Kadhafi s’est fait lyncher, franchement je vous le dis, ça ne m’a pas du tout, du tout, du tout dérangé. Bien au contraire, même.

 

Oraison funèbre pour Monsieur Stéphane Guillon

Puisqu’il joue quelqu’un qui en écrit dans le film, nous avons imaginé l’oraison funèbre de Stéphane Guillon. On a laissé le défunt réagir en direct.

Mes chers amis, c’est avec tristesse que nous nous réunissons aujourd’hui en l’honneur et pour célébrer la mémoire de Mr Stéphane Guillon. Je pense à la peine ressentie par ses proches parents, et particulièrement par sa femme Muriel et leurs sept enfants, nommés….

« Mettez juste « sept enfants » ce sera plus simple, surtout qu’il y a des enfants, des beaux enfants, c’est un bordel quoi. C’est les sept nains ! »

Cette personne irradiait de et par sa présence les êtres qui avaient la chance de le côtoyer, spécialement ses amis – je pense notamment à…

« J’en ai pas beaucoup, des amis. Pierre Richard, Vincent Lannoo, François Uzan (le scénariste du film, NDLR)… Je vais vous donner des amis du métier sinon ça ne va rien vous dire. Alors je vais dire Pascal Elbé… Qui j’aime bien dans ce métier ? Patrick Timsit… C’est déjà pas mal… »

Mais aussi ses ennemis, qu’il avait nombreux. Je pense notamment à…

« Mes ennemis ? Eric Besson…Philippe Val, Jean-Luc Hees… J’ai qui en ennemi… On va mettre Sarko, allez… »

Monsieur Guillon avait bien entendu de nombreuses qualités, qui suscitaient l’admiration de ses pairs et de ses proches, je pense notamment à…

« …son hospitalité. »

J’en veux pour preuve le jour où…

« … où je vous ai tous invités chez moi en Corse. »

Mais malgré ces qualités, Monsieur Guillon avait malgré tout quelques minuscules petits défauts que nous aurons vite fait d’oublier, comme…

« Son côté irascible quand il travaille, cette façon de dire sans arrêt « Je suis fatigué. » »

Mais maintenant il se repose pour l’éternité. Mes chers amis et proches, nous célébrons aujourd’hui une énorme perte, et le vide que laisse ce cher disparu n’est pas près d’être comblé. Nous aurons peut-être la chance de le sentir à nos côtés, lorsque nous nous promènerons dans ces endroits qui lui étaient si chers, comme…

« La citadelle de Calvi. Le parc de Saint-Cloud. Le jardin de mon grand-père à Mougins… et la Bretagne de ma femme, Muriel. »

Ou bien lorsque nous mangerons ces plats qu’il aimait tant, comme…

« Les spaghettis au Viandox, la purée de pommes de terre, les œufs brouillés à la truffe. »

…et de nous sentir ainsi accompagnés dans notre quête pour poursuivre son œuvre. Mes chers amis, ne soyez pas tristes, ne soyons pas tristes, cette personne a fait son chemin, et a accompli sa destinée. Ces accomplissements nous permettent de savoir en de bonnes mains. Un jour nous le reverrons, je suis sûr qu’il nous attend déjà. Eclaireur de nos vies, il devient encore une fois le premier éclaireur de l’itinéraire à suivre. Ce jour de tristesse doit paradoxalement devenir un jour de joie, car notre cher disparu est aujourd’hui allégé des vicissitudes de l’existence, telles que…

« …Aller chez le dentiste. Être pris dans une tempête en avion. Devoir sortir le chien tôt le matin. Et, euh… faire de la paperasse administrative. »

Et peut désormais donc à se consacrer uniquement à nous aider, et à nous guider. Là où il se trouve, il a en effet plus de recul, car il a pris de la hauteur. Une attitude qu’il avait déjà d’ailleurs de son vivant. Paix à son âme.

« Magnifique. J’ai envie de pleurer. »

 

LES ÂMES DE PAPIER

De Vincent Lannoo, avec Stéphane Guillon, Jonathan Zaccaï, Pierre Richard, Julie Gayet… Durée : 1h30. Sortie Belgique : 29 janvier 2014

Ce que ça raconte

Depuis le décès de sa femme, Paul n’a plus goût à rien. Lui qui se rêvait auteur à succès, il gagne désormais sa vie en composant des oraisons funèbres, et traîne sa tristesse entre son appartement et celui de Victor, son voisin de palier octogénaire et excentrique. Sa rencontre avec Emma, une jolie veuve qui fait appel à ses services, va lui redonner goût à la vie. Mais elle va aussi réveiller quelqu’un qui n’était pas censé revenir…

Ce qu’on en pense

 Bien que ce sixième opus romantico-fantastique ne manque pas de bonnes idées, et que les duos masculins (Guillon-Richard, Guillon-Zaccaï) fonctionnent plutôt bien, on regrette que le résultat manque de la noirceur caractéristique des films précédents de Lannoo: à force d’avoir voulu «adoucir» l’intrigue, certains effets comiques tombent plutôt à plat. Dommage, car au milieu de tout cela, Stéphane Guillon, moins crispant qu’attendu, s’en sort plutôt bien.

crédit photo : R. Vaz Palma/Artémis/Samsa/L’Avenir

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