Julianne Moore, bonne voisine dans ‘Suburbicon’ : « On pensait parler au passé, et puis l’histoire se répète »

Première parution : L’Avenir, 5 décembre 2017 – version intégrale

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Si vous aimez Julianne Moore, vous allez être servis. Elle tient un double rôle dans «Suburbicon» de George Clooney, sorti le 6 décembre pour la Saint-Nicolas, et dans «Wonderstruck» de Todd Haynes, qui sortira pour Noël. Après avoir présenté le second à Cannes en mai, on l’a croisée à Venise en septembre dernier, où elle faisait la promo du premier.

 

 

 

Satire de l’Amérique, «Suburbicon» se passe dans les années 50, dans une banlieue pavillonnaire supposément sécurisée et idyllique, où toutes les maisons se ressemblent… Avez-vous déjà eu envie de ça?

On recherche tous des communautés qui reflètent nos valeurs. J’aime vivre dans des endroits accessibles – où on peut faire des activités, rencontrer des gens, où il y a des bonnes écoles pour mes enfants, et un endroit où je peux travailler. Ce que j’aime dans ce film, c’est que George a réussi à faire un divertissement à partir d’une situation tragique, qui est réellement arrivée (émeutes NDLR). Et il nous montre ce qui arrive quand les gens sont excluants, et égoïstes.

Sous ses airs légers, Suburbicon a un propos politique très fort. En aviez-vous conscience sur le tournage, ou l’ambiance était plutôt celle d’une comédie ?

Quand vous tournez un film, l’ambiance sur le plateau est toujours intéressante. Et c’est vrai qu’au fur et à mesure du tournage, celle-ci a changé. Parce qu’au fond, c’est une histoire très sombre ! Et à force, les éléments comiques prennent des airs de désespoir.

Une situation réelle, tragique, et qui fait tristement écho à l’actualité (l’interview a été faite en septembre, juste après les émeutes racistes de Charlottesville, NDLR)

Oui, c’est triste et étranger de le constater. Mais l’art reflète notre société, nos espoirs et nos rêves, ce qu’il y a de pire et de meilleur en nous. Il nous permet de nous remettre en question. En faisant le film, on pensait parler d’un moment du passé, et puis voilà, on voit l’histoire se répéter…

Un an après, quel est votre ressenti sur l’investiture de Trump ?

Je pense que Trump ne fait plus rire personne. Personnellement ne l’ai jamais trouvé drôle, ni pendant la campagne électorale, ni avant, et encore moins maintenant. C’est quelqu’un d’irrationnel et de dangereux, qui devrait être éradiqué de notre gouvernement.

Vous avez pensé à quitter le pays, comme beaucoup depuis l’élection ?

Non, je suis Américaine, c’est là que je vis. La chose qu’on peut faire, en tant que citoyens américains, c’est de voter. C’est ça qui est important. Je pense que beaucoup de gens aux Etats-Unis ont été choqués par le résultat des élections, et j’espère que ça motivera les gens à voter en masse.

Quel genre de voisine êtes-vous ?

(Enjouée) Je suis une bonne voisine (rires) ! Je vis à New York et c’est une ville qui vous surprend toujours, pleine de communautés différentes, et on se connaît tous dans le quartier. On se salue dans la rue, on récupère le colis pour le voisin s’il est absent… Un de nos voisins nous a appelés pendant qu’on était en vacances – parce qu’il avait entendu une alarme sonner dans notre maison… Des choses simples qu’on fait pour s’entraider, mieux vivre ensemble. Quand mes enfants étaient petits leur balle tombait toujours dans le jardin du voisin, qui du coup venait sonner chez nous… Donc ouais, voilà, on essaye d’être responsable, de faire attention, et je trouve que la plupart des gens font attention à ça, prennent soin de la vie en communauté.

Vous jouez des sœurs jumelles. Comment avez-vous abordé ce double rôle ?

Quand George m’a annoncé ça, j’étais aux anges ! C’est un peu un fantasme d’acteur, ce genre de chose. D’autant qu’elles sont toutes différentes. Margaret est jalouse de Rose, aigrie, et frustrée par son handicap. L’une est censée avoir tout pour être heureuse et ne l’est pas, et l’autre ferait tout pour avoir sa vie. C’était fun !

Aux débuts de votre carrière, auriez-vous imaginé une telle filmo, avec des prix à Cannes etc… ? Arriver jusque-là, était-ce une de vos ambitions ?

Non ! Quand tu débutes, ton ambition est juste de décrocher un job. Ou un agent. Rien que ça, c’est déjà tellement compliqué… Je pense que le fait d’être jeune aide : votre naïveté vous empêche de voir à quel point c’est impossible… Alors vous essayez ! Je me sens très chanceuse d’avoir eu ces opportunités, et cette reconnaissance.

Pensez-vous à l’avenir, à où vous serez dans dix ans ?

Je n’y pense pas – après tout qui d’entre nous peut dire où il sera dans dix ans ? On essaye, on fait des plans… Mais j’y pense quand même, et j’ai hâte, parce que je sais qu’il y a eu bcp de changements dans ma vie, que certaines choses changent tous les dix ans, cycle de la vie. Aujourd’hui mes enfants ont 15 et 19 ans, dans dix ans ils en auront dix de plus, et ce sera une toute autre étape de leur vie, pour eux comme pour moi, et mon mari… Donc oui j’ai toujours hâte de savoir à quoi l’avenir va ressembler.

Vous avez une longue carrière faite de rôles très différents qui ont marqué beaucoup de spectateurs. Avec le recul, est-ce que votre regard sur un film, ou un rôle, change en fonction de l’accueil public ou critique ?

Question intéressante. Personnellement, ça ne change rien. Mon expérience d’un film reste la même, et au fond c’est le plus important, parce que c’est ce qui vous reste une fois que le tournage est fini. L’après, la réception critique, financière, critique… on n’a aucune emprise dessus. Et puis parfois certains films se plantent à leur sortie, et sont vus comme des classiques des années plus tard, comme The Big Lebowski ! A l’époque le film n’a pas marché du tout… dix ans plus tard, tout le monde criait au génie (rires). Donc voilà, je ne me laisse pas influencer. Après, je suis humaine comme tout le monde, bien sûr j’ai envie que mon travail plaise, après tout je fais tout pour. Mais j’ai aussi appris que ce ne sera pas toujours le cas, et que c’est OK.

Avez-vous des fantasmes d’actrice, des rôles que vous aimeriez jouer ?

De temps en temps je vois ou je lis quelque chose qui me donne très envie. Mais je ne sais pas comment, vous savez, réussir à trouver quelqu’un pour lui dire : « Hé ça te dirait pas de développer ceci… » Mais je n’ai pas un fétiche, genre ‘je veux jouer Machine’. En général les choses se présentent d’elles-mêmes… Ce qui est excitant en fait, c’est de lire quelque chose qui vous émoustille, où vous vous dites « Ouh, je n’ai encore jamais fait ça »…

La vie de famille, c’est important pour vous ?

Je pense que ma famille est la chose de ma vie dont je suis le plus fière. Mark et moi sommes ensemble depuis 21 ans, nos enfants sont en bonne santé, heureux, et ce sont des personnes bien. Ils ont de bonnes notes à l’école et beaucoup d’amis… On passe beaucoup de temps tous les quatre. Je pense, en tant que parent, le mieux que vous pouvez faire, c’est faire de votre famille votre priorité numéro 1.

 

Suburbicon

Des maisons toutes neuves, des pelouses parfaitement tondues, et le soleil qui brille tous les jours de l’année : bienvenue à Suburbicon, où vivent paisiblement des centaines de familles de classe moyenne comme les Lodge : le père employé de bureau (Matt Damon), la mère au foyer – et sa sœur jumelle (Julianne Moore dans un double rôle), et leur fils Nicky. Suburbicon, c’est une banlieue pavillonnaire typique de l’Amérique des années 50, où il fait bon vivre… enfin, si on est Blanc. Parce que le jour où les Mayers s’installent à côté des Lodge, la couleur de leur peau fait jaser toute la ville, qui décide de les faire dégager. L’Amérique raciste des années 50 n’a pas changé : c’est ce que semble nous dire cette satire rétro signée George Clooney (réalisation) et les frères Coen (scénario). Sans blague, a-t- on envie de répondre. A travers la série de catastrophes, certes hilarantes, qui arrive aux Lodge suite à leur comportement amical envers les Mayers, le film souligne l’hypocrisie du privilège blanc… sans pour autant le remettre en question. Du coup on rit, mais un peu jaune. Casting au top, réalisation sans défaut, mais le scénario a 30 ans, et ça se sent un peu trop.

 

 

 

 

 

 

 

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