Il était une fois… Une meuf énervée qui créait un groupe sur Messenger. Elle avait vu ce jeune homme marcher sur la Rue Neuve torse nu, avec No Culture No Future écrit dessus. Il avait tenu dix minutes avant de se faire arrêter. Les magasins avaient rouvert, mais pas les cinés, pas les théâtres, pas les concerts. On avait aucune idée de jusque quand ça allait durer. Combien on allait devoir attendre pour entendre le mot « culture » prononcé par les autorités fédérales fédérées par l’économie de marché.
Alors elle a créé un groupe sur Messenger, pour essayer de recommencer. Et le groupe s’agitait, discutait. On ne se connaissait pas, et on ne savait pas trop exactement comment on allait s’y prendre. Mais une chose était sûre : on était chaud.es. D’ailleurs le symbole du groupe est devenu un emoji flamme. Et puis un jour, Dorothée est arrivée dans ma boîte Messenger. Elle avait un texte déjà prêt, j’avais un groupe enflammé. Alors on a décidé d’unir nos forces, il paraît que c’est même la devise du pays. Mardi soir, 22h, un pdf est tombé dans la flamme, et la traînée de poudre était lancée.
Jusqu’à hier soir, j’avoue, je savais pas trop. Allait-on être 3? 15? 2000? Allait-on se faire dégager par la police après 2 minutes pour cette non-manifestation non déclarée ? Devais-je relire mes droits pour être opé au cachot?
Et puis, ce matin, à dix heures pile pendant que la cloche du Mont des Arts sonnait, la procession a commencé. Une, deux, trois personnes vêtues de noir. Un, deux, trois objets.
Au final, c’était encore mieux que ce que j’aurais pu imaginer. Vous étiez créatives, originaux, poétiques, heureuses, maquillés, en deuil, joyeux. Il y avait des livres, des CD, un projecteur, des câbles, des partitions, des gélatines, des poupées, des DVD, des programmes, des escarpins, un chapeau, des bougies, une tête de mort, et même un dildo. Noir, fier, dressé.
Vous étiez assez nombreux.ses pour que ça marche sans être trop pour que ça finisse mal. Cerise sur le gâteau, le même jour, le secteur culturel était enfin auditionné à la Chambre. On était avec eux en pensée. Et du coup, pile dans l’actualité – watch me parler masquée dans ton JT.
Bref, grosse journée.



